Grenelle de l'éducation
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Ecole et équilibre - épisode 2 - Résidence administrative et tout ce qui en découle…
Il s’agit de l’obligation pour le fonctionnaire de vivre dans sa commune de résidence administrative.
En 2000, j’ai rempli un formulaire de demande de résider dans la commune voisine de celle de mon affectation. Cela m’a rappelé, tout au long de mes années d’exercice dans l’établissement, que j’étais au service de l’Etat, au service du public, et que l’intérêt collectif était supérieur à l’intérêt individuel. J’avais le droit de résider ailleurs, mais cela ne me dégageait en rien de mes obligations. Aucune grève de transport, aucun aléa météorologique, ne devait m’empêcher d’être à mon poste pour prendre en charge les élèves qui auraient eu la capacité à venir dans l’établissement. Les plaintes sur les emplois du temps qui ne vont pas « parce que vous comprenez, je viens de loin », ne sont pas recevables, parce les contraintes sont la conséquence d’un choix personnel.
La deuxième conséquence de ce choix personnel, c’est que les élèves ne voient pas vivre leurs enseignants. Ils les voient donner leurs cours et s’en aller. Plus l’établissement d’affectation est difficile, moins vous verrez de personnels habiter à proximité… et plus leur autorité sera difficile à établir. Les personnels se plaignent de ne plus être respectés, faisant souvent référence à l’imagination collective où « le maître d’école » était un personnage éminent du village ou de la ville. Mais il l’était parce qu’il y vivait. Les élèves avaient pour lui une réalité au-delà de leur statut d’apprenants. Des relations quotidiennes existaient avec les parents. L’endroit où vivaient élèves et professeurs leur donnait une connaissance mutuelle des problématiques de la vie.
Ai-je dit professeurs ? Je n’aurais pas dû. Ceux qui vivaient au milieu de leurs élèves étaient les instituteurs. Les professeurs, qui apportaient un savoir plus important, une fois les bases de la pensée en place, n’ont jamais été dans le même cas de figure. Ils s’adressaient au départ à un public envers lequel ils n’avaient rien à prouver, puisque les élèves devant eux aspiraient à recevoir leur savoir. La relation magistrale était que le savoir se monnayait contre le respect, au moins apparent.
Lorsque le collège, puis les lycées, sont devenus la norme pour tous, le statut de l’instituteur d’antan ne pouvait se perpétuer qu’en montant la contrainte de vie au milieu d’eux aux mêmes échelons, parallèlement. Si l’université devenait le lieu du savoir voulu, alors le respect de toutes les classes antérieures se gagnait par l’exemplarité, en vivant avec ses élèves et leurs familles. Soit dit en passant, la fameuse « mixité sociale » s’en serait trouvée renforcée : si tous les fonctionnaires travaillant dans une cité vivaient dans la cité, la cité ne pouvait plus être un territoire perdu…
Or, sous prétexte de liberté individuelle et de progrès des moyens de transport, on a laissé les fonctionnaires habiter où ils le voulaient. Ils se sont éloignés de leur lieu de travail, et ont ainsi perdu le respect a priori auquel leur vie dans la cité leur donnait le droit. Cette personne qu’on ne connaît pas, étrangère donc, qui vient chez nous et prétend nous faire la leçon alors qu’elle ne sait rien de nos vies, quelle légitimité a-t-elle ? Pour le savoir, on « teste » le nouveau. Jusqu’où peut-il aller, en bien comme en mal ? Est-il solide dans ses convictions ? Fait-il ce qu’il dit, dans sa vie de tous les jours, ou bien se dépêche-t-il d’oublier tous ses beaux discours à peine franchies les grilles de l’établissement ?
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