Grenelle de l'éducation
Espace dédié à l'expression
Suivi médical d'un enseignant suite à une agression
J'apporte ici une expérience personnelle qui permettra peut-être d'améliorer un état de fait déplorable au sein de l'éducation nationale. Victime d'une agression physique dans ma classe en 2013 (avec arrêt de travail pour coups et blessures), j'ai fait un rapport d'incident détaillé qui a suivi la voie hiérarchique habituelle. L'élève mis en cause est passé en conseil de discipline et a été exclus du collège pour une période de 2 mois. J'étais alors professeur remplaçant (brigade) et j'ai informé ma hiérarchie des troubles psychologiques qui faisaient suite à cette agression, demandant la possibilité d'être protégé sur les postes qui me seraient attribués. Non seulement je n'ai eu aucun soutien ni suivi psychologique dans les mois qui ont suivi (même pas un rendez-vous avec le médecin de prévention), mais en plus, dans les semaines qui ont suivi cette agression, j'ai été affecté sur des postes spécialisés avec des élèves ayant des troubles du comportement (entre autres six semaines d'affectation en ITEP, un mois après l'agression). Ceci n'a fait qu'aggraver mon état de santé psychologique et j'ai pu obtenir un rendez-vous avec une psychologue du rectorat plusieurs mois après l'incident uniquement par des démarches personnelles. Dans le cadre de ce rendez-vous j'ai appris que je ne pourrai bénéficier que d'un suivi très succins avec un maximum de 4 séances espacées d'au moins 2 mois chacune. Ceci n'a eu pour effet que d'augmenter un sentiment d'abandon de la part de l'institution à mon égard qui s'est traduit par une profonde dépression consécutive à un stress post traumatique. N'ayant aucun véritable soutien institutionnel et honteux de ce qui m'arrivait (perte de motivation au travail, angoisses et cauchemars récurrents) j'ai souhaité mettre fin à mes jours à plusieurs reprises, mais l'amour de mes enfants et l'amitié forte de mes proches m'ont évité le passage à l'acte. Suite à cela j'ai été placé en congé longue maladie sans que jamais les services académiques n'organisent une expertise médicale ni aucun suivi par un médecin au cours des cinq années de ce congé (à part une expertise auprès d'un médecin psychiatre pour le passage d'un CLM à un CLD au bout d'un an). Durant ce congé j'ai effectué de nombreuses et fastidieuses démarches pour obtenir des formations en vue d'une reconversion mais sans succès, j'en ai développé le sentiment profond que mon cas ennuyait les services académiques plus qu'il ne les préoccupait, plus grave encore je me suis vu proposer de démissionner ou de demander un départ à la retraite anticipé. Mon esprit combatif m'a tout de même permis d'obtenir une occupation thérapeutique puis un poste adapté auprès du CNED, poste qui me permet à nouveau de m'épanouir dans mon travail et de retrouver le goût de l'enseignement. Malheureusement je constate aujourd'hui que rien n'a changé dans les prises en charge de ces accidents de service et ces agressions que subissent au quotidien les professeurs. L'administration, que ce soit les services académiques ou les rectorats, ne fait toujours aucun cas des conséquences lourdes qui s'abattent sur les victimes d'agression au sein des établissements, la mort de Samuel Paty en est une illustration tragique supplémentaire. Il est temps que l'Etat prenne ses responsabilités envers ses fonctionnaires et mette en place un vrai service de santé qui accompagne ceux ci tout au long de leur carrière. Alors que les entreprises du privé peuvent être condamnées si elles n'organisent pas un suivi médical régulier de ses employés, l'Etat et ses représentants fuient les lois qu'ils imposent aux autres. C'est tout simplement indigne et lourd de conséquences pour les services de la nation. Je souhaite que mon exemple, qui n'est qu'un cas parmi une multitude d'autres, contribue à faire changer les mentalités et que les responsables au sein de l'éducation nationale jusqu'au plus haut d'entre eux, prennent conscience de la nécessité d'une refonte globale et d'une revalorisation des services de santé. C'est une des conditions indispensables à une véritable reconnaissance des professeurs et de leur statut.
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