Grenelle de l'éducation
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Attirer et conserver les talents : deux cas très différents
Etant moi-même professeur des écoles depuis 2014, j'ai pu observer des éléments qui fragilisent considérablement le statut de professeur du cycle primaire. Pour organiser mon propos, j'ai choisi de me focaliser sur les deux verbes mis en avant dans ce premier thème, à savoir "conserver les talents" d'une part et "attirer les talents" d'autre part.
Pour "conserver les talents", je peux m'appuyer sur mon exemple personnel, même si celui-ci n'a pas pour but de dresser une généralité. Dans mon cas, l'enseignement est une vocation, un choix que j'ai pu faire très tôt dans ma vie. Personnellement, je me suis engagé dans cette profession en connaissance de cause : ce n'est pas un gros salaire que j'attendais. Mais étant actuellement à ma septième année d'enseignement, je pense que pour "conserver les talents", il est plus que nécessaire de cesser les coupes budgétaires induisant inévitablement une réduction du personnel dans le corps pédagogique : que ce soient les psychologues scolaires, les enseignants spécialisés (maître E ou G) et également les postes d'EVS (autrement dit les secrétaires en écoles maternelles et élémentaires) sont autant de postes qui ont été sacrifiés et qui manquent cruellement au bon maintien d'une école jour après jour. Le pire est selon moi la destruction du statut d'EVS, imposant aux directeurs et directrices un travail colossal qui, jusqu'alors, pouvait être allégé par la présence d'un secrétariat et permettait un meilleur accueil des élèves.
Pour "conserver les talents", il faut permettre un cadre de travail serein et, pour cela, il faut investir dans des actions concrètes permettant aux enseignants un milieu cohérent et solide. Supprimer des postes, c'est fragiliser l'école, car c'est accabler les personnels de taches qui, jusque là, étaient prises en charge par plus de personnes. Faire plus de tâches avec moins de personnels, c'est tirer sur la corde - à un moment, elle va lâcher.
Maintenant, pour "attirer des talents", je n'irai pas par quatre chemins : qui, aujourd'hui, accepterait de s'imposer un métier aux conditions déliquescentes, réclamant un bac +5 et de surcroît un concours, tout ça pour entrer dans un métier peu valorisé à l'échelon 1, soit à 1650€ net ? D'autant que la crise sanitaire a plus que jamais fait ressurgir toutes les failles d'un navire qui prend l'eau sans arrêt, et que des enseignants motivés maintiennent à flot en écopant sans relâche. La France fait partie des pays européens qui respectent le moins le métier d'enseignant, leur jetant une rémunération faible tout en leur imposant toujours plus de responsabilités. Les talents qui viennent par vocation se font de plus en plus rare, parce que les personnes véritablement motivées changent de voie et se dirigent vers l'enseignement supérieur, qui exige moins de présence en classe au sein d'une structure mieux organisée et, surtout, rapporte une rémunération bien supérieure. Certes, ce ne sont pas les mêmes études. Cependant, comment expliquer de tels écarts de salaires entre le primaire et le secondaire ? Pour que l'école fonctionne, il faut impérativement revoir les bases. Un cycle primaire solide permet de simplifier le travail des collègues du secondaire. C'est dès les premières années que les élèves parviennent à créer des bases fortes pour progresser peu à peu dans un environnement serein.
Plus que jamais, il me semble impératif de rendre au métier de "professeur des écoles" un cadre sécurisant et accueillant.
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