Grenelle de l'éducation
Espace dédié à l'expression
Rester digne, devenir libre
A la suite de Luc Ferry, ancien ministre, et du professeur de philosophie Adrien Louis, et en tant que professeur-stagiaire d'histoire-géographie-éducation-morale-et-civique en lycée professionnel, je souhaite contribuer à désengluer le débat sur la laïcité de l'approche chicanière et belligène, moralement réductrice, de la liberté d'expression. La culture de la caricature antireligieuse est certes devenue une tradition en France depuis trois siècles et plus, mais elle ne fait pas aimer notre héritage civilisateur national, elle ne transmet pas l'essentiel de notre patrimoine aux plus ignorants, et peut créer chez eux un sentiment de rejet qu'il nous faudra collectivement absorber et transformer en adhésion, en confiance. La caricature fait du bruit là où nous avons besoin au contraire de susciter les conditions d'une écoute intelligente. N'est-ce pas davantage par la lecture que par l'image qu'on peut forger chez nos élèves un esprit critique? L'écrit crée par lui-même la distance et l'effort de représentation mentale dont l'image prive au contraire celui qui regarde sans lire, et qui voit sans analyser. Une exposition prématurée à l'image choquante peut atrophier les capacités critiques qui restent à construire non pas contre le ressenti mais pour transformer l'émotion instinctive en sentiment et en pensée partageable dans un échange argumenté. Cet esprit critique est un objectif et non un prérequis. Mon discernement pédagogique n'est pas une lâcheté ni un renoncement car les enseignants s'adressent la plupart du temps à des mineurs et s'ils présentent une opinion engagée, ils doivent s'assurer de la présenter parmi une diversité d'opinions dont aucune ne saurait être revendiquée par eux, sous peine d'enfreindre leur devoir de réserve et d'abuser de leur pouvoir. Or comment ne pas penser que le choix des caricatures antireligieuse comme support pédagogique reflète l'impatience du professeur à voir ses élèves suspendre leurs réflexes identificatoires? Contrairement à ceux qui voient dans ces dessins des remèdes, voire des vaccins contre le fanatisme religieux, je relaie ici le questionnement d'Adrien Louis:
"Est-il pertinent de défendre à l'école la liberté d'expression par son aspect moral le plus sensible, et par son aspect juridique le plus difficile? Est-il en outre judicieux de pousser à ce point l'identification à la république avec la caricature religieuse, quand c'est précisément cette identification que nos ennemis construisent et agitent pour mieux nous faire haïr?".
Il s'agit non seulement d'une faute pédagogique mais plus gravement et indissociablement, d'une faute tactique et stratégique. Nous devons comprendre quelle vulnérabilité à été choisie par les islamistes pour attaquer l'institution scolaire en tant que symbole de l'héritage et de la transmission de nos valeurs. Le maillon faible est dans la contradiction entre Morale et Civique de l'Education Morale et Civique. Pour enseigner l'état de la loi en France nous en sommes réduits à faire violence à notre sens moral naturellement respectueux, puisque la jurisprudence défend la liberté d'expression des non-croyants contre la liberté de conscience des croyants. J'en suis réduit à proposer l'hypothèse sociologique selon laquelle, bien que la liberté d'expression soit philosophiquement issue de la liberté de conscience, il y a dans la société un compromis tacite par lequel les incroyants concèdent aux croyants la liberté de culte avec protection militaire des lieux de culte et aumôniers rémunérés dans les prisons, à l'armée et à l'hôpital, en échange d'une totale liberté d'offenser les symboles religieux et les croyants. Mais si la France par ses institutions républicaines défendait vraiment la liberté de conscience elle ne ferait pas peser sur les croyants une si lourde pression. Il faut au contraire aider les musulmans à se libérer de l'idéologie islamiste en nous libérant, nous Français héritiers de la Liberté, et surtout nous enseignants, de l'idéologie et de l'esthétique anarcho-libertaire qui ne représente pas notre héritage civilisateur, la culture et le goût des œuvres de l'esprit de toute antiquité et de tout pays que nous avons pour mission de partager. Les libertaires sont à la liberté un poison en ce moment moins violent que les islamistes ne le sont dans l'islam, mais c'est le même effort moral qui est nécessaire pour orienter la liberté au service de la dignité humaine. Car l'anarchie est l'alliée de fait et non l'adversaire de l'islamisme. L'école de la République a répondu en se référant aux fondations philosophiques humanistes en faisant lire la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs. Cette réponse de la dignité de la pensée à l'indignation grégaire ne suffit pas: nous devons aussi nous souvenir des recommandations de Jules Ferry de ne pas blesser la conscience religieuse (vénérable, quoique objet d'étude scientifique); vérité et franchise avec les parents sur une liberté de conscience en chantier à l'école et en dehors.
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